Ephémère

Bribes de souvenirs.

« Vous avez entendu le Capitaine Tyrionval, ratissez cet endroit. »

Les soldats acquiescèrent et prirent la route des égouts de la Capitale qui menaient au culte de la secte, plus semblable à des catacombes qu’à toutes autres choses.  

Il fallait absolument ne leur laisser aucune chance, la première vague avait gravement affaiblie l’ennemi mais ils avaient riposté en nombre, les cultistes du Troisième Œil était bien plus nombreux que leurs estimations, peu étaient ceux qui avaient souhaités accorder du crédit aux paroles du traître dans les rangs ennemis, un Iphurnus capturé qui prétendait avoir enfin ouvert les yeux sur ses actes et vu en eux toute l’horreur qui s’y trouvait. Les nombreuses visites d’une prêtresse de Zandaros et d’un paladin d’Aariba avaient terminés de le convaincre et il avait échappé de peu à la corde. Mais le Sergent Dumas ne croyait à aucun instant à cette prétendue rédemption et il espérait que ses supérieurs avaient eu été aussi lucides que lui sur le cas d’Asbeth Iphurnus.

Le serpent sentait le navire sombrer alors il l’abandonnait, plus proche du rat que du reptile finalement.

Mais il fallait reconnaître à cette action conjointe du succès, les trois corps armés de la Brigade réunis étaient parvenus à mettre à mal une organisation criminelle sinueuse dirigée conjointement par deux Iphurnus dont l’un était le pire qu’ils avaient eu à traquer jusque-là, l’Araignée, s’immisçant jusque dans leurs rangs.

La dernière vague avait pour objectif de traquer et de débusquer les fuyards pour les livrer à la justice, à moins qu’une plus expéditive s’en charge lors des affrontements, ce qui ne serait pas pour déplaire à Jean-Marc, les mages noirs étaient si retors qu’ils trouveraient encore le moyen d’être libres.

Une main se posa sur son épaule et elle lui parut excessivement désagréable, lorsqu’il jeta un regard en arrière il vit l’homme dont il se méfiait le plus mais à qui ils devaient en partie la réussite de l’opération : Asbeth Iphurnus.

L’envie de dégager sèchement celle-ci envahit tout son corps mais sa rigueur lui permit de se retenir, le psychiste n’était pas dupe et ne prit par la peine de faire durer l’instant, ce qui pour un sadique de sa trempe était un geste de clémence probablement.

« Je vous écoute, Asbeth. »

Le serpent l’observa longuement, semblant chercher à lire ses pensées sans même déployer sa magie. Cela dit, en était-il bien sûr ? Ne pouvait-il pas le faire à son insu ?

Le mage noir lui adressa finalement un sourire qui l’irrita profondément mais il n’en fit rien.

« J’aimerais discuter un instant à l’écart à vos côtés, Sergent.

-          Pourquoi pas ici ? Vous avez quelque chose à cacher, Asbeth ? »

Il se pencha dans sa direction et murmura quelques mots sous le couvert du complot.

« Je ne fais pas confiance à toutes les personnes présentes ici, mais à vous, oui.

-          Craignez-vous qu’il y ait d’autres traîtres ? »

Il haussa un sourcil à son intention, était-il vraiment entrain de se foutre de sa gueule aussi ouvertement ? Bien qu’il eût le doute son poing le démangeait toutefois férocement.

Et peut-être ressentait-il finalement simplement l’envie d’en découdre, est-ce que c’est cela où une force inexplicable qui l’incita finalement à accepter, faisant signe à ses hommes qu’il n’en avait que pour quelques minutes.

Alors qu’il marchait à ses côtés dans la ville la situation devenait pesante et tandis qu’il ne faisait que quelques mètres à ses côtés il se trouva incapable de s’arrêter, prisonnier de son propre corps. Cet enfoiré l’avait ensorcelé !

Il tenta tant bien que mal de porter la main à sa garde sans succès, incapable de parler où d’appeler à l’aide il conservait la tête basse surveillant les pavés, du coin de l’œil il observait Asbeth qui arborait un sourire arrogant qu’il aurait pris plaisir à lui arracher.

Puis soudain il ne perdit plus seulement le contrôle de son corps mais de ses pensées, quelque chose d’insidieux venait de s’y répandre comme un poison, une sensation étrange. Si ce n’était pas Asbeth … ?

Les minutes lui parurent des secondes, les heures des minutes, et en un rien de temps qu’il n’avait pas vu passer ils étaient désormais tout deux en forêt, isolés de tous ou presque. Finalement c’est là qu’il se décida à lui rendre la parole mais toujours pas la mobilité.

« Comptes-tu me tuer, alors ? Pourquoi nous avoir aidé pour en revenir à ça ? Est-ce ta vraie nature qui refait surface ? »

Je le vis tirer une lame et la sueur coula dans mon dos, la perspective qu’il retourna l’arme contre lui aurait pu me rassurer s’il ne venait pas de se taillader le bras, c’était une œuvre de mage noire, mais ce n’est que lorsqu’il incanta que je compris, ce n’était pas lui.

Ça avait... quelque chose de différent.

Je tentais de toutes mes forces de lutter mais il imposa son esprit au mien, malgré les apparences il n’était pas un homme, ni Asbeth, alors qui ?

La scène fut si rapide qu’elle me donna envie de vomir, une fraction d’instants que je parvins toutefois à me remémorer comme si je les avais vécus moi-même, Asbeth avait laissé fuir l’un d’eux et il se tenait en face de moi en cet instant même.

Je sentais sa peau douce caresser ma joue, incapable de m’y échapper, elle provoquait en moi autant d’attrait que de dégoût, une pomme bien mûre dans laquelle se terrait le ver.

Elle m’offrit un sourire alors que je sentais à présent le souvenir commencer à se désagréger, il était de moins en moins précis à mesure que le temps s’écoulait.

Tandis que je relevais les yeux dans sa direction je ne parvins à voir que des mèches blondes se dissiper et son murmure me faisant l’effet de dizaines de couleuvres sous mon armure : « Je vous donne quatre heures pour leur raconter ce que vous savez. Ensuite… vous l’oublierez. »

J’avais retrouvé mes jambes et la première chose que je fis fut de courir.

Asbeth était un traître et il fallait en informer la Brigade.

Quatre heures.

Ephémère.