Les revenants

Un voile nocturne, temps de pluie. Une vaste plaine à l'ambiance de cimetière, les monstres rôdent. Lorsque les nuages le permettent, l'éclat des lunes illumine deux silhouettes. Deux longues capes, deux têtes baissées. Ils marchent silencieusement. L'un derrière l'autre. D'un pas lent, mesuré. Le premier semble être le chef. Le second semble ailleurs. L'un scrute les horizons, l'autre les flaques d'eau.

Plif, plof.
Plif, plof.
Plif, plof.

Le duo s'est arrêté. Le premier se fige. Le second s'amuse. Sautant de flaque en flaque, il a l'air heureux.

Plif, plof.

Plif.

De son oeil rouge, il observe. Du bleu, il s'exaspère. Un soupir, les yeux se fermant brièvement avant de tourner la tête sur le côté. L'homme siffle derrière lui. Le second s'arrête et de ses deux grandes pupilles violettes observent le premier. Un large sourire aux dents pointues se dessine sur son visage.

_"Oui ?" Dit-il d'un ton enjoué.
_"T'as pas bientôt fini ?" Répond l'autre d'un ton perplexe.
_"Oh. Mais il pleut ! Il mouille ! C'est la fête à la grenouille !" Renchérit le concerné avant de marquer un bref temps d'arrêt et de rajouter "Tu penses qu'il y en a ici ?" Curieux et amusé.
_"Aucune idée. On est pas là pour ça." Un autre soupire et observe au loin, face à lui.
_"T'as dis qu'on était en vacances !" Supplia le second.
_"On l'est. Arrête de faire ton gamin." Sévère, le premier n'en démord pas.

Le second souffle et rumine. Sa toile cirée épouse à nouveau son corps. Son chef, d'un air déçu, s'incline. Difficilement, il marmonne un "C'est que je m'ennuie, moi !"

_"T'auras largement le temps de t'amuser à la Capitale." Il offre sa parole en guise de compensation.
_"On va revoir les amis ?!"
_"Je pense pas."
_"On va s'en refaire alors ?!"
_"Je pense pas, non plus."
_"C'est quand qu'on arrive ?"
_"Tais-toi."

La marche reprend. Un bruit se distingue au loin. Un son guttural, presque inhumain. Un autre ère, une autre âme perdue. Un repas pour créature.

_"T'as entendu ?"
_"Oui."

Un temps de pause. Les deux compères se sont arrêtés. Sourcils froncés, celui de devant écoute.

_"Tu penses que je vais la revoir ? Ça fait longtemps !"
_"Qui ça ?"
_"Tu sais bien qui !"
_"Je pense pas. Elle est morte ou a refait sa vie. T'as décidé de me rejoindre. T'as choisis ton camps."
_"Et toi ? Tu vas aller la revoir ?"
_" Qui ?"
_"Arrête, tu sais bien !"

L'homme aux yeux vairons se tait. Il tourne à moitié le buste sur le côté, regarde son comparse.

_"Elle est morte et ça fait longtemps."
_"Tu pourrais..."
_"Non." Interrompt le premier.

L'un reprend sa marche, l'autre semble attendre. Un éclair se profile et offre un bref instant de lumière. Un visage, deux yeux différents. Une mèche brune. Des rides et de la barbe. Puis vient le bruit. Assez loin pour ne pas être menaçant.

Plif, plof.
Plif, plof.

_"Cyonn, arrête tes conneries ! On a du chemin à faire !"

Plif.